- Eliott Lawton
Tantrisme et sexualité
Tous les termes “techniques” sont expliqués à la fin de cet article, si tu veux plus d’informations, n’hésite pas à nous écrire !
On entend de plus en plus parler de Tantra ou de tantrisme. Ces mots sont devenus un fourre-tout dans lesquels on y met souvent le thème de la sexualité sacrée. Chez Deep Tantra, nous aimons voir les choses dans leur ensemble, depuis leur origine. C’est pourquoi nous écrivons cet article, dans lequel nous te parlons de tantrisme, de sexualité et de ce qui les unit.

Ce que nous appelons aujourd’hui Tantra en occident est bien loin de la signification même de ces mots en sanskrit. En effet, le tantrisme est devenu une voie de développement et de conscientisation des relations en tout genre.
La sexualité est au cœur des mœurs de notre société. La société de consommation l’a bien compris : objectif taille de guêpe, publicité aguichantes et cela va même jusqu’aux émojis que nous utilisons : impossible de mettre une aubergine en fin de phrase sans que cela soit connoté !
Contrairement aux générations précédentes, nous évoluons dans un présent où le plaisir, le désir et l’accomplissement de soi sont devenus importants. Il semble logique que l’approche de la sexualité ait elle aussi évolué. Nous cherchons maintenant le plaisir, la conscience, le divin ; alors qu’en remontant à peine quelques siècles dans le passé, cette idée nous aurait semblé complètement folle. Evidemment, nous parlons de ce que nous connaissons, c’est-à-dire essentiellement des pays dits « développés ».
Traditionnellement, ce que l’on appelle les tantras sont en réalité les textes reliés aux traditions ésotériques bouddhistes et hindouistes. Il est tout de même important de préciser que la tradition tantrique ancestrale la plus populaire nous vient du Cachemire avec le tantrisme shivaïte, qui lui-même est rattaché à l’hindouisme.
Karmamudra (ou sceau d’action)
Dans le tantrisme shivaÏte cachemirien, le karmamudra est peut-être la seule pratique qui a trait directement à ce que nous les occidentaux appelons la sexualité. Cette technique vient en réalité du bouddhisme Vajrayana qui utilise l’acte d’union sexuelle comme une pratique à part entière sur le chemin de l’état de non-dualité et de vacuité.
Cette pratique n’est cependant pas réservée à tou.te.s. L’acte physique de rencontre avec la non dualité nécessite un accomplissement au préalable qui peut demander plusieurs années voire plusieurs vies de pratique (en tout cas ce que nous transmettent les maître bouddhistes tantriques, adeptes du concept de réincarnation). Dans plusieurs écoles tantriques traditionnelles, il était interdit d’avoir des relations sexuelles sans que le maître ne l’ai tautorisé. Cet ascétisme permettait au.à la disciple de se focaliser sur sa voie et de n’accéder à l’union corporelle qu’à partir du moment où il.elle serait lavé.e de toutes ses scories relationnelles.
Ainsi, on ne pouvait pratiquer la sexualité physique qu’à partir du moment où cela ne représentait plus un acte particulier en soi. Dans la vision non-dualiste cachemirienne, la sexualité étant en chaque chose, rien n’est sexuel en particulier. Nous y reviendrons plus tard.
Selon certains maîtres, il n’est pas obligatoire d’avoir un.e partenaire physique pour réaliser le Karmamudra. En ne faisant qu’un avec le cosmos, on ne fait qu’un avec la vie et donc qu’il y ait physiquement quelqu’un.e en face de nous ou pas ne fait, dans l’absolu, aucune différence.
Cela n’empêche que beaucoup de maîtres demandent à leurs adeptes de pouvoir pratiquer le Tummo (pratique de la chaleur interne) et les 5 autres étapes constituant les 6 Dharmas de Naropa avant de pouvoir réellement commencer le chemin de Karmamudra. Ces étapes représentent l’ensemble de la tradition tantrique du bouddhisme tibétain. Ce n’est qu’une fois ces pratiques maîtrisées que l’on peut prétendre réaliser Karmamudra.
Maître Kalu Rimpoché (lama bouddhiste, maître de méditation et enseignant du XXème siècle) nous enseignait que les Karmamudras sont les seules techniques reconnues comme utilisant la sexualité physique de deux êtres. Même lorsqu’il devient possible de pratiquer le Karmamudra, il reste encore beaucoup de chemin avant de pouvoir espérer entrer dans la sexualité entre deux êtres. Après l’avoir expérimenté en soi et avec le monde, on en vient alors à l’expérimenter avec un.e autre. L’acte de sexualité en Tantra est en réalité une consécration du chemin vers la félicité et le non-dualisme.
Kalu disait avec humour : « les enseignements existent comme ils ont été transmis par le Bouddha, la seule difficulté pour les personnes est de les pratiquer de manière pure ».
Après avoir abordé la vision non-dualiste des tantriques shivaïtes du Cachemire, il semble clair que ce que l’on entend aujourd’hui dans les espaces de néo Tantra est à la fois complètement juste dans son approche et totalement erroné.
La sexualité étant création et la création étant naissance, c’est de la sexualité que tout naît. Ainsi, une idée est le fruit de la sexualité, un geste, un vêtement, voire même les parts les plus noires de ce qui compose notre monde. En faisant de la sexualité quelque chose de spécialement spéciale, on lui enlève la vie et on rentre à nouveau dans la pensée dualisante. C’est le paradoxe des shivaïtes : tant qu’une chose a son contraire, elle n’est qu’une part du cosmos et nous sommes toujours dans l’illusion.
En bref, utiliser les mots sexualité sacrée pour définir le tantrisme c’est à la fois complètement juste et en même temps totalement… débile ! Etant donné que tout est dans tout, alors tout est sacré. Cette phrase est illustré dans la table d'émeraude par sa phrase la plus connue : ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas (comprenons ici que tout se ressemble malgré la différence de chaque chose).
Le plus important est que tu sois toi en accord avec la manière dont tu te définis et la beauté avec laquelle tu l’incarnes.
Ce texte étant plus technique que d’habitude, nous te proposons quelques définitions pour t’aider à le saisir au mieux :
Ascétisme : doctrine morale ou philosophique se privant des plaisirs matériels.
Bouddhisme : religion et philosophie datant environ du VIe siècle avant notre ère. Elle naquit suite à l’éveil de Siddhartha Gautama autrement appelé le Bouddha.
Corps subtil : nom donné aux différentes enveloppes de notre corps, dont l’un est notre corps physique, et ayant pour noyau notre âme.
Dharma : loi universelle de la nature qui s'exprime dans tout ce qui la compose. C’est la notion de base de l’hindouisme et du bouddhisme.
Hindouisme : religion ancestrale qui se caractérise en ayant ni fondateurs, ni dogmes imposés. L’hindouisme se base sur les Vedas, ensemble de textes philosophiques et religieux.
Les quatre félicités : étape de la pratique de Tummo dans laquelle, après avoir fait circuler la chaleur intérieure avec les vents vitaux à travers le canal central, 4 chakras s’activent et permettent au.à la pratiquant.e de ressentir la félicité. Il s’agit des centres énergétiques du nombril, du cœur, de la gorfge et de la fontanelle. Ces derniers s’unissent ensuite pour ouvrir à la sagesse de la vacuité.
Les six Dharmas : il s’agit de 6 pratiques qui constituent l’ensemble des pratiques tantriques bouddhistes tibétaines. Elles sont attribuées à deux maîtres indiens qui sont Tilopa et Naropa. Elles visent à conduire à l’état de bouddha. Nécessitant une initiation tantrique préalable, nous pouvons parler ici de pratiques avancées.
Néo Tantra : mouvement considéré par certain.e.s comme religieux se basant sur les traditions du tantrisme. Il se situe à la rencontre du tantrisme traditionnel et des mouvements spirituels dits New Age. Le néo Tantra se détache de la tradition notamment car il traite essentiellement des éléments du tantrisme en lien avec la sexualité. Il est important de pouvoir discerner le tantrisme du néo Tantra pour en saisir le sens profond.
New Age : croyances et pratiques spirituelles et religieuses ayant vu le jour dans les années 1970 en occident et dont la structure est très éclectique.
Pranayama : discipline du Yoga dite « du souffle ». Elle consiste à faire circuler et à contrôler son énergie vitale (prana).
Sanskrit : langue indo-européenne considérée comme l’une des plus anciennes de notre planète et dont certains textes remontent à plus de trois millénaires. La plupart des textes tantriques ont été traduits de cette langue.
Shivaïsme : branche de l’hindouisme basé sur les Puranas (textes philosophiques) qui considère Shiva comme divinité d’élection. Les shivaïtes sont connus notamment pour leurs pratiques ascétiques.
Shivaïsme du Cachemire : courant du shivaïsme caractérisé par une voie de non-dualisme menant à la vacuité.
Tantrisme : tradition yogique ésotérique prenant racine dès le milieu du premier millénaire de notre ère, et faisant référence à la fois à certains textes, pratiques, techniques et théories philosophiques. Le tantrisme peut également être considéré par certain.e.s comme une branche de l’hindouisme
Tantra : En traduisant ce mot depuis le sanskrit, on trouve: la trame, la règle, la doctrine ou encore la chaîne (dans le sens de ce qui est relié).
Tummo : Pratique tantrique dite de la « chaleur intérieure ». Cette pratique est le fondement des 6 Dharmas. Elle se base sur le principe d’amener les vents vitaux à entrer dans le canal central de notre corps subtil. Elle a pour but de provoquer les 4 félicités avant de les unifier dans la vacuité. Cette pratique est associée au pranayama.
Vacuité : en tantrisme, fait référence aux vides moraux et intellectuels mais également à l’état de tout ce qui est vide.
Vajrayana : forme de bouddhisme que l’on appelle également bouddhisme tantrique ou ésotérique. Il se rapproche du shivaïsme cachemirien.