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  • Eliott Lawton

Vivre avec ses ombres

Sur le chemin vers soi, et notamment dans l’une de ses oasis que l’on appelle le développement personnel, on entend souvent parler de la notion d’ombre. Nous en possédons tous et il est certain que nous ne sommes pas conscients de chaque part inconsciente en nous ; mais de quoi s’agit-il réellement ?



Tout d’abord, je définirais une zone d’ombre comme étant une part de soi que l’on ne voit pas ou qu’on préfère ne pas voir. Bien qu’il existe une différence entre les deux, il arrive régulièrement que nos ombres se cachent dans l’inconscient. L’idée de l’ombre ne peut se réaliser qu’en contrebalancement de celle de l’existence de lumière. Ce sont, tels le yin et le yang, deux faces d’une même pièce. Chaque être, aussi lumineux qu’il soit, dispose d’une part d’ombre en lui. Il me semble important de prendre les choses telles qu’elles sont et non de commencer à les interpréter : ici on partira de l’ombre en cherchant à la définir et en retirant l’amalgame « sombre / dark » qui pourrait facilement être attaché à cette notion.


Une zone d’ombre c’est avant tout une part de nous qui peut parfois être difficile à intégrer, à accepter.


C’est aussi souvent le foyer de certains de nos désirs inavoués, de certaines pulsions plus primaires ou bien encore de rêves utopiques. L’ombre n’est pas forcément noire, elle peut aussi constituer une cage dorée si l'on ne fait pas l’effort d’aller lui rendre visite. Pour se rencontrer avec soi-même, il me semble indispensable de faire le détour dans tous les recoins de notre être. L’ombre est un terrain d’expérimentation extraordinaire. Il peut faire peur, car se confronter à ce que l’on ne veut surtout pas voir est souvent terrifiant et demande beaucoup de courage.


Osho ne disait-il pas « Il n’y a pas de courage sans peur » ?


Pour parler un peu de moi, j’ai été confronté très jeune à ce décalage entre ombre et lumière. Dès mes années de primaire, n’ayant ni la langue dans ma poche, ni la conscience du politiquement correct, je déversais le flot de mes pensées avec une innocence à la hauteur de mon amour du partage. Très vite, je me suis retrouvé face à des barrières, pour la plupart représentées par la pensée de certains adultes, qui tentaient de me remettre sur le droit chemin : « tu ne peux pas dire cela », « ce n’est pas comme ça qu’il faut penser », « excuse-toi de ton insolence »… tant de tentatives pour arriver à rester en connexion. Avouons-le, il n’est pas facile de rester en lien avec quelqu’un qui porte consciemment et aux yeux de tous des idées que l’on cherche à éviter. Mais mon cas était désespéré. J’ai grandi avec en tête une voix qui ne cessait de dire NON aux ordres et à la discipline. Je représentais alors pour mes camarades une figure d’inspiration, de liberté, qu’ils ne comprenaient pas mais qu’ils admiraient.


Cela m’a offert deux choses : la première c’est la conscience de la distance qu’il peut exister entre moi et les autres lorsque je sers d’exemple. Le simple fait de représenter un idéal vers lequel certains voulaient marcher me séparait d’eux : « tu es différent », « j’aimerais bien être comme toi ».

Le deuxième cadeau que j’ai reçu de cette expérience a été de pouvoir régulièrement et de manière profonde, m’entretenir avec des adultes. On me qualifiait de « mauvais exemple », on me jugeait dangereux car capable d’entrainer d’autres dans ce qui était considéré comme inconcevable. De fait, je pense avoir permis à de nombreuses personnes de rencontrer, consciemment ou non, leurs parts d’ombres. Et ce, par la simple force de cette innocence insouciante. Je ne prends aucune fleur de cette expérience car cela m’a mis dans des situations inimaginables, cependant je ne peux retirer que la vie m’a offert le cadeau de pouvoir vivre ces moments.

Qu’est-ce qui fait que l’on a parfois tant de mal à accepter certaines parts de nous ?


De mon point de vue, tout tourne autour de la notion de choix, et donc par extension de la vision duelle que notre tête nous offre de la vie. Nous basons notre perception du monde selon des oppositions. La plus évidente serait de dire « je suis tout le contraire de ce que je ne suis pas, et inversement ». Jusque là, c’est assez logique. Oui, sauf que notre tête a parfois tendance à oublier qu’elle n’est pas seule dans la composition de notre être. Nous disposons également, nous, êtres humains, tous d’un cœur (sur le plan émotionnel) et d’un corps. Et c’est bien là que les choses se complexifient. Parfois ce que notre corps semble être, est en opposition avec nos désirs de vie. Et quand le cœur s’en mêle, cela peut être tout aussi compliqué. Comment faire pour démêler tout cela ? Quelle est la vérité ? Quelle part de moi a raison ? Et si tout était possible en même temps ?


Ces questionnements donnent une idée de la complexité que cela peut représenter d’être et de penser à ce que l’on est en même temps. Et pourtant, mon expérience me mène à penser que nous sommes tous dans ce cas de figure, sinon comment répondre à cette fameuse question qui m’a fait si souvent peur : qui es-tu ?


Les zones d’ombre se situent exactement à la rencontre de toutes ces différences de positionnement.


Ne t’est-il jamais arrivé de vivre un décalage entre ce que veut ta tête, l’élan de ton cœur et ce que désire ton corps ? Prendre conscience de la divergence qu’il peut exister entre nos propres opinions internes n’est pas tâche facile. Pendant longtemps, je refusais tout élan qui ne venait pas de cette image que je voulais me donner. Je n’assumais pas, voire même, cela générait de la colère et de la frustration… « Pourquoi ai-je envie de ça ? », « Je ne devrais pas penser comme ça »…

Je me mettais en opposition avec moi-même au nom de la défense de mes idéaux. Je ne m’autorisais pas à prendre du plaisir d’une autre manière. Et cela était évidemment lié à l’image que j’avais envie de montrer au monde. Tel un bon monsieur parfait, je souhaitais que ce que l’on voit de moi soit identique à ce que je voulais montrer. Evidemment une telle étroitesse d’esprit m’a conduit directement vers les limites de mon éthique personnelle.


Je ne saurais me rappeler quel a été l’élément déclencheur du processus qui m’a permis de me libérer de ces murs, et cela ne me semble pas très important. Cependant, un jour j’ai pris conscience de la nature de ces désirs. Je me suis mis à ne plus les hiérarchiser, j’ai commencé à considérer tout ce qui venait sans le comparer au reste. Cela m’a permis de prendre conscience de la beauté de certaines de mes peurs, j’ai aussi pu accéder à certaines parts de moi simplement en les considérant et en leur offrant une place. Rien ne m’oblige à faire quoi que ce soit alors prendre le risque simplement d’être à l’écoute de tout ce qui vient s’est révélé être moins difficile que ce que j’aurais pu imaginer. Avant de le faire, je crois que je pensais qu’il y aurait un engagement comme : « Si je t’écoute, je dois te dire oui ensuite ». Eh bien non ! Quelle révélation que de pouvoir rester en lien sans m’engager à faire quoi que ce soit !


Ce nouvel équilibre m’a tellement marqué qu’il me donne aujourd’hui l’élan de partager cette expérience avec vous. Prendre du plaisir dans le simple fait d’être, soigner son alchimie interne, vivre ensemble sans se rentrer dedans… le chemin des possibles est tellement majestueux que je désire le porter en moi en chaque instant.


Laissons-nous surprendre par ce qui nous traverse car c’est ce qui permet de s’embarquer dans de folles aventures. Laissons agir le cercle vertueux de l’écoute, de la relation et du partage, et en premier lieu celui avec soi-même. Prenons nos envies telles qu’elles viennent et laissons-les rester de simples envies si telle est leur destinée.


Dans la paix, dans l’amour et dans l’écoute ; prend soin de toi.

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